Violation d’un DTU : pas de désordre, pas de mise en conformité !

Violation d’un DTU : pas de désordre, pas de mise en conformité !

10 août 2021

Violation d’un DTU : pas de désordre, pas de mise en conformité !

Quels sont les recours en cas de violation d’un DTU ? Comme le rappelle la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 10 juin 2021, en l’absence de désordre, le non-respect des normes qui ne sont rendues obligatoires ni par la loi ni par le contrat ne peut donner lieu à une mise en conformité à la charge du constructeur.

Dans cette affaire, une partie de la toiture d’une plateforme logistique, composée de bureaux et d’entrepôts s’est affaissée après la réception de l’ouvrage, à la suite d’un orage violent.

Dans le cade de l’expertise judiciaire ordonnée afin d’identifier la cause de cet affaissement, l’expert a relevé une non-conformité au DTU, sans pour autant que celle-ci ait joué un rôle causal dans l’affaissement de la toiture.

Cela n’a pas empêché le propriétaire de la plateforme d’assigner les constructeurs ainsi que leurs assureurs aux fins de les voir condamner au paiement d’une indemnité correspondant au coût de la mise en conformité de la toiture aux normes techniques prévue par le DTU en vigueur.

Après que les juges de première instance ont fait droit à cette demande, la Cour de cassation a été saisie d’un pourvoi, l’interrogeant sur les conséquences de la violation du DTU par les constructeurs.

La Cour de cassation rappelle qu’il convient de rechercher si le DTU en question est visé dans le marché conclu avec le constructeur. A défaut, les DTU n’ayant pas de valeur réglementaire, ceux-ci ne sont opposables contractuellement au constructeur.

Dans le cas d’espèce, le DTU litigieux n’étant pas entré dans le champ contractuel et sa violation n’ayant pas généré de désordre, la Cour de cassation considère « qu’en l’absence de désordre, le non-respect des normes qui ne sont rendues obligatoires ni par la loi ni par le contrat ne peut donner lieu à une mise en conformité à la charge du constructeur. »

En revanche, si les parties ont décidé de soumettre le marché au respect des DTU, leur violation peut obliger le constructeur à une mise en conformité, même si celle-ci ne provoque aucun désordre

A première lecture cet arrêt semble se contenter de rappeler une position classique et logique de la Cour de cassation. Toutefois, certains de ses points amènent le lecteur à s’interroger :

  • Si la violation du DTU avait effectivement généré ou participé à l’affaissement de la toiture, le coût de la mise en conformité de la toiture aurait-elle pu être mise à la charge des constructeurs alors même que le DTU n’était pas entré dans le champ contractuel ? Dans la mesure où la Cour de cassation conditionne sa position à l’absence de désordre, on peut imaginer que la réponse sera positive. Dès lors on peut se demander par quel mécanisme le DTU non contractualisé deviendrait soudainement opposable au constructeur et justifierait la prise en charge, par le constructeur, en tout ou partie, du coût de mise en conformité de la toiture ;
  • La Cour de cassation opère-t-elle une distinction entre les DTU et les règles de l’art en censurant le juge du fond qui considère que « quand bien même le marché ne fait pas référence à ce document, celui-ci et l’ensemble des DTU font partie intégrante de la catégorie plus large des règles de l’art, ensemble des règles et techniques professionnelles validées par l’expérience et admises par les professionnels, opposables à ceux-ci (…) » ? Cela signifierait qu’une violation d’un DTU ne constitue pas systématiquement une violation des règles de l’art, ce qui impliquerait, en pratique, une analyse détaillée, au cas par cas.

Cela étant dit, rien ne permet d’affirmer que la Cour de cassation a entendu prendre position sur ces points. En revanche, il est plus que jamais certain qu’en l’absence de désordre, le non-respect des normes qui ne sont rendues obligatoires ni par la loi ni par le contrat ne peut donner lieu à une mise en conformité à la charge du constructeur.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 10 juin 2021, 20-15.277 20-15.349 20-17.033, Publié au bulletin